Nautisme : Vers des mouillages réglementés à Porquerolles
Stephanie de LoustalLe 16/01/24 / ARTICLE de VOILEETMOTEUR
La plage Notre-Dame sur la côte nord-est de l’île est l’une des plus fréquentées en été et offre un bon abri des vents d’est et sud. Limiter le nombre de mouillages pourrait porter atteinte à la sécurité des navires… © V. Pelagalli
Face à un projet d’aménagement des mouillages à Porquerolles, différentes associations de plaisanciers d’Hyères et des environs se sont regroupées pour créer l’Union pour la préservation d’une navigation côtière responsable (UPNCR). Sans être radicalement opposée à l’idée de réglementer les mouillages, l’UPNCR regrette de ne pas être davantage associée aux discussions et dénonce certaines inepties dans le futur projet. Explications… Photos : V. Pelagalli.
Fin 2022, les plaisanciers de la rade d’Hyères ont appris que le parc national de Port-Cros (PNPC) avait un projet d’aménagement du mouillage sur l’ensemble des baies de Porquerolles. En brandissant comme étendard la protection de la posidonie, le PNPC proposait, à l’horizon 2024, la création de cinq zones de mouillage et d’équipements légers (ZMEL) et l’installation de 350 bouées payantes sur les principales baies de Porquerolles. Mécontentes de ne pas avoir été consultées ni intégrées aux discussions et aux prises de décision, les associations de plaisanciers de la rade d’Hyères, rejointes par des clubs de la rade de Toulon, de Bormes, du Lavandou et de Cavalaire (et prochainement par ceux des Bouches-du-Rhône), se sont réunies et ont créé en septembre dernier une association loi de 1901, appelée Union pour la préservation d’une navigation côtière responsable (UPNCR). Ce collectif a pour objectif de faire entendre les droits et la voix des plaisanciers auprès du PNPC et d’avoir avec lui une discussion constructive pour parvenir ensemble à la création d’un projet équitable, simple et acceptable.
Le manque de concertation avec les usagers de la mer n’est pas la seule critique faite par l’UPNCR au parc de Port-Cros. Il lui reproche en plus de justifier cette décision en se basant sur des hypothèses « non scientifiquement établies ».
Le Langoustier fait partie des baies qui seraient soumises à la future
réglementation mise en place par le parc national de Port-Cros. © V. Pelagalli
Des études pas assez précises
À ce jour, en effet, aucune étude scientifique n’est véritablement en mesure de prouver l’impact des ancres des petites et moyennes unités sur les herbiers de posidonie. Les seules études réalisées au niveau national font état d’une réduction de 20 à 30 % des superficies des herbiers ces trente dernières années, mais sans aucune précision sur la taille des bateaux et le type d’ancrage. Il se trouve que le seul endroit à Porquerolles où il a été
effectivement constaté une diminution des posidonies est le chenal d’accès au port, dans lequel le mouillage est interdit.
De même, à Port-Cros, les herbiers sont en régression à la Palud, une baie où le mouillage n’est plus autorisé depuis des dizaines d’années. En ce qui concerne Porquerolles, des photos aériennes datant de trente ans tendent à montrer que, contrairement à d’autres endroits, les « taches » de sable sont en régression au bénéfice des herbiers. Et, dans des mouillages très fréquentés, comme le Langoustier, qui subissent près de 10 000 ancrages par an, la posidonie ne s’est jamais aussi bien portée. La diminution des herbiers de posidonie ne serait-elle donc pas plutôt liée à la pollution qu’aux ancres ? Et ne s’agirait-il pas d’un « greenwashing » ?
Autre argument avancé par l’UPNCR contre ce projet, les risques pour la sécurité des navires et des personnes. La plupart des mouillages concernés par ces futures limitations se trouvent être les endroits les plus sûrs et les meilleurs abris en cas de coup de vent. Les réduire constituerait ainsi un danger pour la sécurité. À cela s’ajoute un système de réservation compliqué, non remboursable en cas d’annulation, et inadapté à la vie en mer du fait des changements météorologiques de plus en plus imprévisibles. Sans parler des conflits entre usagers que ce nombre limité de bouées (350 pour 1 500 bateaux en pleine saison) pourrait provoquer…
Enfin, l’association regrette que le parc ne mette pas en place une collecte des déchets et des eaux noires et grises dans les ZMEL et ne travaille pas davantage sur la notion de « bateaux propres ». D’ailleurs, le projet veut interdire la plupart des mouillages aux unités de plus de 10 mètres, alors que ce sont elles qui sont équipées de réservoirs à eaux noires et grises.
Bref, les multiples incohérences de ce projet ont amené l’UPNCR à demander au parc de Port-Cros une révision et il a pu obtenir, suite à des rencontres au cours de l’année 2023, quelques aménagements par rapport au projet initial : la possibilité d’accéder aux meilleurs abris côtiers de l’île en cas de coup de vent, que les zones de sable libres au mouillage ne soient pas que « des poches bien définies », et que la restriction de taille ne soit applicable qu’en très haute saison, c’est-à-dire du 10 juillet au 20 août.
Paradoxalement, la posidonie ne s’est jamais aussi bien portée à Porquerolles où les taches de sable, sur lesquelles
il est possible de mouiller, ont tendance à être de moins en moins nombreuses… © V. Pelagalli
Bouée obligatoire pour les 12 m et plus
Sur ce point, le parc souhaitait au départ limiter la longueur maximale des bateaux à 10 mètres dans toutes les baies, sauf la plage d’Argent qui pouvait accueillir des unités jusqu’à 15 mètres. Il devrait finalement accepter d’aller jusqu’à 12 mètres, ce qui signifierait que les unités de 12 mètres et plus auraient interdiction de mouiller sur le sable pendant cette période et devraient obligatoirement s’amarrer aux bouées. Le collectif a également réussi à obtenir la révision de l’extension des zones réservées uniquement à la baignade (ZRUB) et des zones interdites aux embarcations à moteur (ZIEM), ainsi que la possibilité de laisser un certain nombre de bouées en accès libresans réservation par Internet.
Mais l’association souhaite aller plus loin et voudrait obtenir la gratuité des bouées, sauf pendant la période estivale, à savoir du 1er juillet au 31 août, ainsi que la réduction des ZMEL à trois et non six, avec une préférence pour la plage d’Argent, la Courtade et la plage Noire plutôt que Notre-Dame et le Langoustier, trop éloignées. Elle demande en outre que les bouées soient implantées exclusivement sur les herbiers à plus de 15 mètres des zones sableuses, où le mouillage s’organise spontanément, et donc une redéfinition des zones sableuses pour y intégrer quelques larges plaques éparses.
Enfin, concernant la procédure de réservation des bouées, l’UPNCR propose la mise en place d’un quota de bouées non réservées par Internet qui offrirait une certaine souplesse en cas d’aléas météorologiques, mécaniques ou personnels. Quant à la politique tarifaire, l’association émet l’idée d’une gratuité pour la première nuit (afin de préserver la notion d’abri côtier), puis une forte augmentation après quelques jours.
Autant de points sur lesquels l’UPNCR espère bien discuter au cours des prochains mois pour faire avancer ce projet intelligemment. Car cette union des plaisanciers n’est pas radicalement opposée à une réglementation des mouillages autour de Porquerolles, elle s’élève en revanche contre la profusion des ZMEL et regrette de ne pas être mieux représentée au sein de ces débats.
En attendant, une enquête publique pourrait avoir lieu en 2024, reportant l’installation des premières bouées à 2025…
ARTICLE de VOILEETMOTEUR