Nous voici fin prêts pour la 1ère régate d’automne. Il fait beau avec quelques petits nuages par-ci par-là. Cette fois-ci nous avons un bon vent d’Est-Sud Est de 15 nœuds voire plus, la température est encore bien chaude, les esprits sont encore dans l’été.
David fait le débriefing sur le ponton du club, ça sera Cacau, Cassidaigne, île verte, cacau. Ça blague, Superbe course en perspective, la mer n’est pas encore trop agitée par ce vent et ce sera un départ face au vent. J’avoue que j’adore ce parcours qui se déroule dans un paysage merveilleux. Le cap canaille revêt ses plus belles couleurs car depuis la pluie, la garrigue qui couvre ses flancs est redevenue verte.
Tiens, Ondulat n’est pas là. On note cependant la présence d’Eridan, le bateau du club skippé par Julien.
Embarqués sur Novaé avec David Bossy et moi même, nous avons parmi nous Thomas Bossy et Gilbert, célèbre vieux loup de mer du club.
Préparation près de la ligne de départ. David fait le décompte, Thomas est à la barre et moi, le bourrin de service, à l’embraque. Gilbert veille sur le bon décours des opérations, tout en s’habituant à ce “Selection” qui est assez différent du sien. Nous sortons la GV, préparons les barbers et écoutes du spi, déroulons le Solent (le Génois restera dans le coffre pour cette fois). Ça gîte déjà, nous sommes très motivés.
Nous commençons donc par un long bord de près, direction le phare de la Cassidaigne que nous devrons laisser sur bâbord. Premier choix stratégique: serrer sur Canaille et se protéger des creux qui ralentissent le bateau ou partir vers le Sud-Ouest pour prendre plus de vent, loin des soubéranes qui rendent le vent incertain?. Certains, devant nous, décident de ne pas trop s’éloigner de canaille Ils tireront plusieurs bords pour rejoindre le Phare. Nous resterons vers le large, pour profiter du vent et éviter de perdre de la vitesse en virant. Notre allure est bonne, nous prenons quelques vagues sans trop ralentir. Tout va bien, nous laissons Eridan derrière. Je ne cache pas ma joie vu que Julien nous avait joué des tours lors de la dernière régate. Peut-être lui rendrons nous la faveur cette fois? Rantanplan est aussi derrière, ce beau voilier étant plus petit, il a plus de mal à négocier les creux au près.
Passage de la Cassidaigne, nous virons de bord direction l’île verte, tribord amure. Ce coup-ci, il faudra la jouer fine. Le vent n’est plus au sud-est mais plus à l’est. Nous sommes encore au près, la houle par tribord. Il faut minimiser les virements de bord. Nous avons toujours Eridan et Rantanplan à nos trousses. Figuerolles est splendide, le bec de l’aigle règne sur le plan d’eau en Maître.
12h 45: Nous serrons au maximum le près pour négocier l’île verte, le vent refuse, ça sera très près des rochers si on ne vire pas de bord avant. Pendant ce temps KeepCool passe le premier de l’autre coté. Il est juste derrière la balise, suivi de Neptune qui passe très très vite. 5 minutes plus tard, Ohana passe. Ça sort déjà le spi quand nous passons enfin l’île verte. On peut voir le fond, les rochers de très très près. Nous enroulons enfin l’île verte, passant progressivement au travers puis au vent arrière, on assure l’empannage comme on peut, ça fait un gros “Bang” mais sans trop de conséquence. Nous nous occupons déjà à préparer de sortir le spi, dégager les écoutes, la drisse, le hale bas… Je suis dans les filières entrain de dégager l’écoute du spi quand mon voisin de gauche se met à faire une drôle de tête. Il grimace, et se sert la poitrine. Il ne répond pas à mes questions. Je m’imagine une crise cardiaque!! Là, dans l’espace de 5 minutes, je me fais tous les films possibles et imaginables. “Où doit on aller débarquer pour les secours? La Ciotat?” “Il y a le snsm sur place?” “Doit on appeler le 17?”. Je me rappelle les cours de secourisme, “staying alive”. “ou est-ce qu’on va l’allonger?”. J’en informe le capitaine, déjà au balcon pour préparer le sac du spi. Pourtant Gilbert n’est pas pâle, il est assez énervé mais pas inquiet. Il a juste du mal à m’expliquer ce qu’il a. Il ne semble pas à bout de souffle. au bout de 5 minutes, tout rentre dans l’ordre, Gilbert râle mais semble aller bien. J’avoue que je ne suis toujours pas tranquille. Notre co-équipier préféré reprenant sa forme légendaire, le Capitaine prend la décision de continuer. Ce qui se passe après, eh bien je ne m’en rappelle pas trop tellement j’étais préoccupé par mon voisin.
Nous dépassons enfin la passe entre l’île verte et le bec de l’aigle, sortons le tangon, David passe à l’avant, je vais au piano. Thomas à la barre. David, à l’avant joue aux superman: hisser le spi tout en gérant la voile et le tangon, je suis mélangé dans l’écoute, le hale-haut, le taquet de la drisse... ah oui le bras à tribord… je me retourne. Gilbert recommence à grimacer, la main sur la poitrine… la voix de David me ressort de ma rêverie ”le bras!!! le bra!!!”—- voix intérieure: “quoi le bras, non c’est la poitrine qui lui fait mal… pourquoi il crie David?”. Je regarde à l’avant: le spi est enroulé sur lui même. Il fallait border les bras qui est bien loin de moi… et l’écoute… Dans la confusion j’avais oublié ce qu’il se passait au Spi. Le capitaine, toujours à l’avant, est entrain de pester. J’émets donc un “David, Gilbert va mal là”. David reprend son calme, affale le spi en silence. “OK, On rentre”.
Le retour se fait au portant, le plus droit possible. Le paysage est sublime, éclairé et assombri partiellement par les nuages. Novae file vite. Gilbert allant mieux nous sommes un peu rassurés mais pas trop. D’autant qu’on avait oublié de choquer le hâle-bas de GV lors du gros empannage… le bang… c’était le hâle-bas qui s’est arraché du mat. Bon c’est réparable, seuls les rivets on lâchés. Ça nous apprendra.
Arrivés près de Cacau nous essayons de ne pas empanner et préparons le moteur pour reprendre la main dès que nous passerons la bouée. Arrivée à 13h48. ah oui, Eridan et Sialto ne nous ont pas rattrapés (Bon Sialto nous passe dans le classement à cause des compensations mais on ne le dira pas).
Au port Gilbert va bien, nous veillons sur lui régulièrement. Il rentrera chez lui sans encombre. Son médecin ne trouvera rien de grave. Le hâle-bas sera réparé le week-end d’après.
Pierre-Pascal